Paysages
Hubert Voignier

Paysages, non pas seulement, suivant le dire de Michaux, comme on se tire un drap sur la tête, mais plutôt comme profondeur du champ terrestre à découvrir et à explorer, rivages immédiats du visible, arrière-pays méconnus ou familiers, sereins ou désolés, à débusquer, poursuivre et traverser derrière le voile opaque du regard que la mort empâte jusqu'à le figer. Paysages rêvés ou pressentis quelquefois à l'approche de certains lieux réels, paysages gravés en soi comme des chemins menant aux plus secrets parages habités. Paysages vus, paysages peints, paysages entr'aperçus, sitôt disparus, dans l'enchaînement des rencontres journalières. Paysages où voyager, errer toute sa vie durant, dans l'expectative constante d'un pays paisible où s'arrêter, un pays sage où demeurer, l'espace d'une vision, et profiter d'une rémission passagère. Paysages révélés et reconduits comme les figures majeures de la terre, les gestes répétés d'un compositeur ou d'un peintre tendant à devenir à la longue le langage même des formes qu'il côtoie et tâche de seconder par son art, à se faire le porte-parole de l'univers, sous ses multiples aspects transitoires, ses apparences muettes, dont il cherche malgré tout à saisir les constantes au travers de ses variations infinies, comme s'il existait des patrons du réel auxquels l'artiste dût tendre et se conformer au nom de quelle improbable rédemption ?