Lettres Persanes
Montesquieu

Un grand seigneur persan, curieux des mœurs occidentales, séjourne longuement à Paris vers la fin du règne de Louis XIV et dans les années de la Régence. Comme au sortir d'un long hiver, une nation tout entière s'éveille alors à la critique et sous le regard étonné de son hôte, ses institutions et ses mœurs, ses coutumes et ses croyances vont révéler leurs fondements comme leurs folies - car un pays dont le souverain peut choisir " un ministre de dix-huit ans et une maîtresse de quatre-vingts où sévissent impunément les séides d'un pape magicien " n'est-il pas, au plus haut point, le royaume de l'anti-nature ? Par la voix de son Persan, Montesquieu crible de traits une société qui se délite avec éclat. Mais que l'on se rassure : la gravité, ic i, n'est pas de mise. " Il y avait alors une quantité d'hommes, vifs et sensuels, dont l'intelligence agitait l'Europe et tourmentait énormément toutes choses, divines et autres, on avait des manières, même dans la rue. Les marchands savaient former une phrase, jusqu'aux traitants, aux filles, aux espions et aux mouches qui s'exprimaient comme personne aujourd'hui. Le fisc exigeait avec grâce ", nous assure Paul Valéry. Si cet art de vivre et de parler s'est perdu, le génie de Montesquieu nous en conserve heureusement l'inaltérable témoignage dans ce roman épistolaire qui, pas sa foisonnante diversité, est sans doute le chef-d'œuvre de la renaissance baroque.